Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/1006

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fut celle qui me fit resoudre à la mort, aussi tost que je sceus que ce perfide Genseric l’avoit emmenée avec ses deux filles. Mais l’extréme soing que mon amy avoit de moy, m’empescha d’executer ce genereux dessein, tant que mes playes me retindrent dans le lict. Ce qui fut cause qu’aussi tost que je fus guery, et que je peus monter à cheval, je me dérobay le plus secrettement de luy qu’il me fut possible, et prenant le chemin de Toscane, je me cachay dans les montagnes de l’Appennin, faisant dessein d’y mourir, à faute de manger, ou d’autre incommodité, ne voulant respandre mon sang pour n’offencer le grand Dieu qui punit les homicides.

Mais lors que la longueur de ce dessein me fit resoudre à une plus prompte mort, et que perdant toute sorte de consideration du Ciel, je me voulois ouvrir le cœur avec un glaive, mon cher Olimbre survint qui m’arresta le bras, et me redonna la vie pour une seconde fois. Et lors que je m’opiniastrois, et m’efforçois d’effectuer ceste derniere resolution, il survint un jeune homme. qui par sa beauté et par sa sagesse, nous fit croire qu’arrivant si à propos, c’estoit un messager du grand Dieu, qui estoit envoyé pour me divertir de ce dessein. J’advoue qu’au commencement je le creus, et que me rendant du tout obeissant à ses paroles, je perdis pour lors ceste volonté de me faire mourir, esperant recevoir de luy quelque tres-