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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/1016

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vie. Ne seroit-ce contrevenir à toutes raisons, si je deffaillois en ceste amitié ? C’est pourquoy, sages seigneurs, puis que le Ciel vous a establis pour le soulagement des affligez, ne m’en refusez point le remede, afin de ne contrevenir à vos loix et ordonnances, que par tant de siecles vous avez jugées si justes et si sainctes.

Chacun certes admira la resolution de cet amy, et n’y eut celuy qui ne desirast d’estre le tiers, pour participer au bon-heur d’une telle amitié. Le conseil cependant, apres avoir longuement disputé, demeura en doute si l’on devoit leur accorder ou refuser ce qu’ils demandoient, jusques à ce que le principal du conseil, par l’advis de tous, demanda à Ursace s’il vouloit permettre à son amy de mourir. A quoy il respondit que non. – Et pourquoy ? adjousta le sage Massilien. – Parce, respondit Ursace, qu’il doit vivre pour soulager, ainsi qu’il le peut, l’infortune de sa dame, et de la mienne. – Et vous, continua-t’il, avez-vous permission de celle que vous aymez de vous oster la vie, ne la pouvant secourir en ceste infortune ? – Je ne l’ay point, dit Ursace, d’autant que depuis ce malheur je ne l’ay point veue. Mais je m’asseure bien que son cœur genereux y consentira, et que si elle estoit en ma place, elle vous feroit la mesme requeste que je vous ay faite. Les seigneurs du Conseil alors disputerent entre eux fort long temps, sans