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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/1021

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vous demeuriez en Grece ou en Italie, il seroit impossible que quelqu’un ne vous descouvrist. Ainsi les conseilla ce sage, et apres les avoir laissez en la garde de Dieu, se retira en sa maison.

Ursace ayant longuement debatu en luy-mesme ce qu’il avoit à faire, resolut en fin de l’observer de poinct en poinct. Et pour-ce un soir ayant accommodé le long de son costé une vessie pleine de sang, il s’alla promener sur le bord de la mer avec la plus part de ses domestiques, et plusieurs de ceux de la ville, où apres avoir fait quelque discours de ses miseres, et s’estre plaint du deny qu’on luy avoit fait du poison, faignant de ne vouloir plus vivre, il se mit un couteau dans le costé, d’où le sang sortit en telle abondance, que chacun creust qu’il estoit mort. Mais se demeslant de nos mains, il se jetta de furie dans la mer, nous laissant sa robe entre les mains, à Olimbre, et à moy, qui faisions semblant de le vouloir retenir. Il estoit entre jour et nuict, et il sçavoit fort bien nager, de sorte que, plongeant et s’en allant fort loing entre deux eaux, nous le perdismes incontinent. Je ne vous rediray point l’estonnement de chacun, ny les plaintes qu’Olimbre faisoit, afin de mieux faire croire la mort de son amy. Tant y a que,. disant alors son nom, la nouvelle en fut divulguée par tout. Cependant je m’en allay où je sçavois qu’il se devoit