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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/1023

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Italie tous ses domestiques et ceux d’Ursace, et mesmes les deux filles du bon mire ausquelles il fit de grands biens. Et prenant d’autres serviteurs, s’en alla avec son amy, deguisé en esclave, en Affrique, non pas sans m’y vouloir mener. Mais mon dessein n’estant point de desobeyr à celuy qui m’avoit nourry, je ne voulus disposer de moy sans sa volonté.

Voylà, madame, dit Silvandre, s’addressant à Leonide, ce que j’ay sceu de la fortune d’Ursace, qui à la verité meritoit bien toute sorte de contentement pour la fidelité qui estoit en luy.

Leonide vouloit respondre, lors que Hylas se levant de son siege : Voilà, dit-il, le plus vray fol, qui fit jamais profession d’aymer. Comment ? continua-t’il, avoir servy toute sa vie pour n’en avoir autre contentement que d’estre appellé mon chevalier, et la nommer ma belle princesse, ou d’en avoir seulement quelque miserable baiser ? Et cependant avoir couru tant de fortune de sa vie, respandu tant de sang, avoir demandé le poison, et bref s’estre rendu esclave ? Je conclus, quant à moy, que le Ciel a esté tres-juste de le traitter ainsi, et qu’avec raison il luy a faict prendre l’habit qu’il a emporté en Affrique, puis que toute sa vie il en a fait les actions.

Adamas et toute la trouppe ne se peurent empescher de rire de l’opinion de Hylas, et n’eust esté qu’il estoit heure de soupper, je croy qu’il ne s’en fust pas allé sans responce.