Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/105

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quelque pouvoir sur sa preud’hommie ny sur son jugement, voudroit-il bien à ce coup leur faire un si grief outrage ? Pourquoy les mesmes raisons qu’il s’est representées lors qu’il me donna ceste belle bergere, ne le contraindroient-elles de m’en laisser la possession ? Le devoir qu’il avoit à l’amitié et à la confiance de mon pere, n’est-il pas le mesme encor à ceste heure qu’il estoit en ce temps-là ? Et luy, n’est-il pas le mesme Thamire qu’il estoit quand il me la donna, et moy le mesme Calidon, qui ne receus la vie que le mal m’avoit presque ostée, qu’aux conditions que Celidée seroit mienne ? J’advoue que jamais homme n’eut plus d’obligation à un homme, que jamais parent ne receut de meilleurs offices d’un parent, ny que jamais enfant n’a eu plus de preuve de l’amour de son pere, que j’en eu et receu de Thamire, lors que, se privant de Celidée, il m’en a voulu rendre possesseur. Mais, maintenant qu’il me la veut ravir, ne me permettra-t’il pas de dire que jamais homme ne fut plus outragé d’un homme, que jamais parent ne receut de plus grandes indignitez d’un parent, ny que jamais enfant ne fut plus tyranniquement traitté d’un pere, que Calidon de Thamire ? de sorte que toutes les obligations que je luy puis avoir eues par le passé, sont maintenant chargées en autant d’offences. Car qu’ay-je affaire, Thamire,