Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/122

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t’aimer, je ne le crois pas, car ce seroit me chastier d’un erreur en m’en faisant commettre un autre encore pire.

Tu diras contre ma deffence, qu’ayant donné toute puissance à Thamire sur moy, qui m’a par apres remise en tes mains, il ne me doit estre permis de contredire à la disposition qu’il en a faite. Mais escoute la plaisante conclusion que tu fais : Je te choisis pour mon mary, donc l’ayant esté quelque temps, tu me peux donner à un autre. Il faut que tu sçaches, Calidon, que la raison pour laquelle je donnay à Thamire toute puissance sur moy, fut parce que je l’aimay d’autant qu’il m’aima, et par ainsi, s’il a quelque pouvoir sur moy, c’est parce qu’il m’a aimée. Mais si ce n’est que pour cette occasion, ne sçay-tu pas que la cause n’estant plus, l’effect n’y peut estre ? si bien que s’il ne m’ayme plus, il n’a plus de pouvoir sur moy.

Mais, me diras-tu, il jure qu’il continue de t’aimer, et que c’est la raison, et non pas faute d’amitié qui faict qu’il te remet à un autre. Je te respondray, berger, que je n’en croy rien, et toutes-fois si la raison peut cela sur son amitié, pourquoy trouveras-tu estrange que ceste mesme raison ait autant de force sur la mienne, et m’empesche de le faire ? Est-il raisonnable que j’aime ce que la nature et la raison me deffendent d’aimer ? La