Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/128

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A ce que je vois, grande nymphe, il m’est advenu comme à celuy qui forge et trempe avec une grande peine le fer qu’un autre luy met apres dans le cœur ; car ayant eslevé ce berger et ceste bergere avec tout le soin qu’il m’a esté possible, leur ayant appris, s’il faut dire ainsi, de parler et de vivre parmy le monde, à quoy se servent-ils maintenant de ce que je leur ay enseigné, sinon l’un à me ravir le cœur, et l’autre à me le percer de tant d’offences, qu’il ne me reste nulle esperance de vie que celle que j’attends de vostre favourable jugement ? Et bien, je suis la butte de l’ingratitude et de la mescognoissance ; mais encores que ces blesseures soient si sensibles, si aimay-je mieux en estre l’offensé que l’offenseur, et voir en moy les coups de la main d’autruy, qu’en autruy ceux de la mienne, tant je suis esloigné naturellement de ceste erreur infame, et ennemie de la société des hommes. Il adviendra peut-estre, que recognoissant la faute que vous commettez tous deux, vous en aurez du regret, et vous repentirez de l’outrage que je reçois de vous en eschange