Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/146

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O dieux, s’escria-t’il alors, et que sera-ce donc de toy, Silvandre, puis qu’il n’y a point d’Endimion pour elle ? Seroit-il possible que la nature qui s’est pleue en cest ouvrage, si jamais de tous ceux qui luy sont sortis de la main, elle en a eu quelqu’un d’agreable, est-il possible, dis-je, qu’elle ait donné tant de beauté à ceste bergere, pour ne luy donner point d’amour ? Quoy donc ? il n’y aura que les yeux que les yeux qui jouyssent d’une chose si rare ? Et pourquoy ne permettent les dieux que si nos cœurs en reçoivent les plus grands coups, nos cœurs aussi en ressentent le plus grand contentement ? L’ont-ils faicte si belle pour n’estre point aimée ? Ou si nous l’aimons, l’ordonnent-ils seulement pour nous consumer ? Ah ! je voy bien qu’ils me respondent que si ceste beauté a esté produite pour estre aimée, c’est pour sa propre gloire et pour le dommage de ceux qui l’aimeront comme moy.

Ceste pensée l’arresta si court, qu’en cessant de marcher, apres l’avoir long temps roulée dans son esprit, il profera telles paroles:

Sonnet


Qu’il n’y a consideration
qui l’empesche d’aymer sa maistresse.