Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/152

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à qui vous parlez ; j’ay l’esprit trop pesant pour voler à la hauteur de vostre discours. Toutesfois, si vous me faictes entendre, que c’est que l’entendement, que l’ame et que la matiere dont vous parlez, peut-estre y pourrois-je comprendre quelque chose. – Mon enfant, adjousta le druide, les entendements angeliques sont ces pures intelligences qui, par la veue qu’ils ont de ceste souveraine beauté, sont embellies des idées de toutes choses. L’ame raisonnable est celle, par qui les hommes sont differents des brutes, et c’est elle-mesme, qui par le discours nous faict parvenir à la cognoissance des choses, et qui à ceste occasion s’appelle raisonnable.

La matiere est ce qui tombe soubs les sens, qui s’embellit par les diverses formes qu’on luy donne, et par là vous pouvez juger, que celle que vous aimez peut bien avoir en perfection les deux dernieres beautez que nous nommons corporelle et raisonnable, et que toutesfois nous pouvons dire sans l’offenser, qu’il y en a d’autres plus grandes que la sienne. Ce que vous entendrez mieux par la comparaison des vases plains d’eau : cat tout ainsi que les grands en contiennent d’avantage que les petits, et que les petits ne laissent d’estre aussi plains que les plus grands, de mesme faut-il dire des choses capables de recevoir la beauté. Car il y a des substances qui, pour leur perfection, en doivent recevoir, selon leur