Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/162

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plus douce vie, et qu’elle soit desormais lasse de me travailler ? Cela ne peut estre, disoit-il, puis que rien ne me sçauroit rendre moins miserable que je suis, sinon la seule mort, et qu’il y a plus de sortes de peine que de puissance pour les supporter. Seroit-ce point, peut-estre, que le Ciel prevoyant la fin de mes jours, ait conduit vers moy Silvandre, l’un de mes plus grands amis, pour en son nom de tous les autres me venir dire le dernier adieu ?

Ceste pensée le retint quelque temps, en fin elle fut cause de le faire resoudre à chose qu’il n’eust jamais pensée, qui estoit d’escrire à sa maistresse, par ce que le rigoureux commandement, qu’elle luy avoit fait en le bannissant de sa presence, luy en ostoit la hardiesse. Mais pensant asseurement que ses jours estoient pres de leur fin, il jugea d’estre obligé à ne partir point de ceste vie, sans prendre congé d’elle en quelque sorte. Il prend donc la plus, il escrit et raye plusieurs fois la mesme chose, approuve ce qu’auparavant il a desaprouvé, et en fin luy escrit ce que cent fois il avoit effacé, et apres avoir plié la lettre, met au dessus : A la plus belle et plus aymée bergere de l’univers.

Et reprenant le chemin par où il estoit venu, retourne où il avoit laissé Silvandre, et s’approchant doucement de luy, avant que luy mettre ceste lettre en la main, la baisant deux ou trois fois : Ha trop