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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/164

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Dors-je, disoit-il, ou si je veille ? est-ce en songe, ou en effect que je vois ceste lettre ? Et lors la considerant : Je ne dors point, continuoit-il, il est tout certain que je veille, et que je tiens en la main une lettre qui s’adresse à la plus belle, et plus aymée bergere de l’univers. Mais si je ne dors point, pourquoy ne sçay-je qui me l’a donnée ? L’avois-je quand je me suis endormy ? Je ne l’avois point, et faut de necessité que durant mon sommeil quelqu’un me l’ait mise dans la main. Et cela pourroit bien estre, car qui est celuy d’entre tous les dieux qui n’a point aymé les beautez de la terre ? Amour mesme qui est celuy qui blesse les autres, n’en a pas esté exempt, de sorte qu’il semble qu’ils jugent nos bergeres plus belles que leurs déesses. Et pourquoy ne croiray-je pas que quelq’un des immortels, ou quelque Faune, et demy-dieu ayant veu ceste belle Diane n’en soit devenu amoureux ?

Et lors se taisant et rentrant en peu luy mesme : Mais que vay-je recherchant, disoit-il, qui luy a escrit ceste lettre ? voyons la : sans doute elle nous le fera mieux sçavoir que tout autre. Et despliant le papier, il la leut du commencement jusques à la fin ; et lors qu’il y trouvoit quelque chose semblable à ce qu’autresfois il avoit pensé (comme bien souvent diverses personnes tombent, en un mesme subject, sur une mesme