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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/178

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cœur. Ce qui faisoit tenir ces propos à Silvandre, c’estoit pour tourmenter d’avantage Phillis ; parce que sçachant la jalousie de Lycidas, il ne faisoit nul doute qu’il ne la mist fort en peine, en luy proposant que l’amour ne pouvoit estre avec la jalousie. Aussi, elle qui se sentoit toucher si vivement, ne peut s’empescher de luy respondre : Quelle raison, berger, avez-vous, pour soustenir une si mauvaise opinion ? – Celle, dit-il, qui vous la devroit faire avouer si vous aviez pour le moins quelque connoissance de la raison ; L’amour n’est-ce pas un desir ? et tout desir n’est-il pas de feu ? et la jalousie, n’est-ce pas une crainte ? et toute crainte n’est-elle pas de glace ? et comment voulez-vous que cet enfant gelé soit né d’un pere si ardant ? – Des caillous, respondit Phillis, qui sont froids, on en voit bien sortir des estincelles qui sont chaudes. – Il est vray, repliqua Silvandre, mais jamais du feu ne proceda le froid. – Et toutesfois, reprint Phillis, du feu mesme procede bien la cendre qui est froide, le feu n’y est plus. A cette replique Phillis demeura troublée, et plus encores quand Diane prenant la parole : De mesme, dit-elle, quand la froide jalousie naist, il faut que l’amour meure. – Mais ma maistresse, repliqua Phillis, je ne doute point que mon ennemy n’ait la victoire, ayant un si bon second que vous estes.