Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et se tournant vers Astrée : Et vous, belle bergere, continua-t’elle, vous ne pouvez eviter le blasme de mauvaise amie, si me voyant attaquée par eux deux, vous ne prenez ma deffense ? – Astrée luy respondit froidement : Je tiens pour chose si veritable que la jalousie procede de l’amour, que pour ne mettre cette opinion en doute, je n’en veux point disputer, de peur d’estre contrainte (si les repliques me dafaillent) d’avouer, qu’estant jalouse je n’ay point aymé, comme je vous voy forcée de confesser qu’estant jalouse de Diane vous ne l’aimez point, ou pour le moins qu’estant en doute, si la jalousie procede de l’amour, vous n’estes pas bien asseurée, si vous aimez Diane. – Que je baise les mains, dit Silvandre, de ceste belle, et veritable bergere, puis que sans esgard de personne, elle a parlé à mon advantage, avac tant de verité. Astrée respondit : Si vous m’estiez obligé, ce seroit un tesmoignage que pour vous favoriser, j’aurois deguisé la verité, puis que l’on n’est point obligé à celuy qui dit vray, non plus qu’à celuy qui nous paye une dette à laquelle il est tenu. – Vous auriez raison, respondit Silvandre, si l’on prenoit toutes choses à la rigueur ; mais puis que, au siecle où nous sommes, il y a si peu de personnes qui simplement suivent la vertu, il faut avouer que nous sommes obligez à ceux de qui nous ressentons les