Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

biens-faits, encores qu’ils y soient tenus. – Mais que direz-vous, interrompit Phillis, au contraire, de l’experience que nous faisons tous les jours ? Je cognois un berger, qui ayant longuement aimé, est en fin tombé en une jalousie, qui luy ayant duré quelque temps, ne l’a pas empesché de continuer son amitié longuement apres. Oserez-vous dire que c’estoit un feu estaint qui produise cette cendre ? – Il n’est pas impossible, respondit Silvandre, qu’estant sain on devienne malade, et qu’aprés la maladie, on retourne en santé, ny qu’un feu soit estaint et puis r’allumé. Et pourquoy une amitié ayant bruslé quelque temps ne se peut-elle esteindre par cette froide jalousie ? et la jalousie perdue, pourquoy ne deviendra-t’elle aussi ardante qu’elle fut jamais ? Mais il ne peut estre que la santé et la maladie, que le feu ardant et la cendre froide, soient en mesme temps en mesme sujet. Et pour ne perdre tant de paroles pour esclaircir d’avantage cette verité, voyons quels sont les effets de l’amour, et de la jalousie, et nous pourrons juger par eux si les causes dont ils procedent ont quelque conformité ensemble. Quels dirons-nous donc les effets d’amour ? un desir extreme qui se produit en nos ames, de voir la personne aymée, de la servir, et de luy plaire autant qu’il nous est possible. Et ceux de la jalousie, quels sont-ils ? N’est-ce point une crainte de rencontrer celle qu’on a aymée, une