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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/181

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nonchalance de luy plaire, et un mespris de la servir ? Et qui pourra croire que ces effets si contraires procedent d’une mesme cause ? Si cela est, ne faut-il avouer que la nature se veut destruire, puis qu’elle fait produire à une mesme chose son contraire ?

Phillis vouloit respondre, mais elle alloit begayant sans sçavoir par où commencer ; dequoy Diane ne se pouvoit empescher de rire, ayant desja pris garde à la jalousie de Lycidas. Et pour la mettre encore plus en peine, prit expressement ainsi la parole : La jalousie est sans doute signe d’amour, tout ainsi que les vieilles ruines sont tesmoignages des anciens bastiments, estans d’autant plus grandes que les edifices en ont esté superbes et beaux. Aussi crois-je qu’une petite amour ne fut jamais suivie d’une grande jalousie ; mais comme nous n’appellons pas ces ruines des bastimens, de mesme, la jalousie ne peut estre nommée amour. Et selon que je puis juger de mon humeur, si j’aymois, il ne seroit pas en mon pouvoir d’estre jalouse. Et que deviendriez-vous donc, respondit Phillis, si celuy que vous aimeriez en aymoit une autre. – Son ennemie, respondit Diane, je veux dire que je le hayrois. Ce n’est pas que je ne prevoye bien que cet accident me rapporteroit un extreme desplaisir, mais plus pour avoir esté trop longuement deceue, que trop promptement oubliée. – Et si ce berger devenoit jaloux