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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/199

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cette faveur, s’il y a quelque mortel qui le soit. – O outrecuidance ! s’escria Phillis. – O amour ! respondit Silvandre. – Et quoy ? repliqua le bergere, vous pensez donc estre digne de servir celle de qui les merites outrepassent toutes les choses mortelles ? – Les plus grands dieux, adjousta le berger, sont servis par des hommes, et se plaisent de leur voir rendre ce devoir, et cette reconnoissance. Et pourquoy, si je suis homme, comme je pense que vous ne doutez pas, ne me voulez-vous permettre que je serve et adore ma déesse, mesme ayant esté esleu à ce sainct devoir par elle-mesme ? Phillis ayant quelque temps, sans parler, consideré les raisons de Silvandre, toute confuse, ne sçavoit que luy respondre, luy semblant que veritablement Diane faisoit plus de faveur au berger qu’à elle. Et pource, luy addressant sa parolle : Mais, ma maistresse, luy dit-elle, quand j’ay bien pensé à ce que mon ennemy me dit, je trouve qu’il a raison, et que veritablement vous le favorisez d’avantage. Seroit-il possible que vous l’eussiez fait à dessein ? Si cela estoit, j’aurois bien occasion de me plaindre, et de trouver mauvais, qu’à mes despens il fust tant advantagé par dessus son merite. – Je voy bien, respondit froidement Diane, que l’opinion a plus de puissance sur vous que la verité, et que c’est par elle que vous estes conduite.