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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/222

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amoureux. Je dis, revit, parce que jettant les yeux dessus, il se ressouvint qu’il l’avoit veue autresfois dans le temple de Venus, lors que Palinice le sauva, et parce que dés lors il l’avoit trouvée fort à son gré, ces premieres fiames se ralumerent aysément en ce cœur, qui est aussi susceptible dé l’amour, que le soulphre le peut estre du feu. La considerant donc quelque temps fort attentivement, il se ramenteut peu à peu que Circéne es toit celle qu’il avoit veue dans le temple, et de laquelle il avoit demandé le nom à Palinice ; et se representant alors la grace qu’elle eut à chanter, et tout ce que l’amour luy fit concevoir à cette premiere veue, il oublia de sorte tout ce qu’il avoit promis à Clorian, qu’il ne pensa plus qu’à faire l’office pour soy-mesme.

Voyez combien il est dangereux d’employer un second en semblables affaires ! Il s’approcha d’elle, et apres l’avoir saluée, et que comme pleine de civilité elle luy eut rendu son salut, parce que c’est oit dans le temple, il se mit sur un genouil au plus pres d’elle qu’il peut, et suivant son humeur, se panchant un peu sur l’autre, il luy parla de cette sorte : Je voy bien, belle Circéne, que vostre veue m’est fatale, et qu’estant venu icy pour assister à un de vos sacrifices, vous y serez aussi à un des miens. Elle qui n’avoit jamais veu cet homme, ny ouy parler de luy, le regarda quelque temps au visage, et le considerant un