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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/223

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peu, cogneut bien qu’il estoit, estranger, fust au langage, fust à l’habit, parce qu’encores qu’il le portast comme les autres de la ville, si est-ce qu’il estoit bien aisé à cognoistre, d’autant que les estrangers, quoy qu’ils se desguisent de nos habits, ont tousjours quelque air different de ceux de nostre contrée ; et me semble que les Francs ont moins cette difference que tous les autres.

Et parce que Circéne ne cognoissoit point Hylas, elle creut qu’il la prenoit pour quelque autre, et cela fut cause qu’apres avoir arresté quelque temps ses yeux sur luy, elle se tourna froidement d’un autre costé, sans luy respondre ; dequoy n’estant pas satisfait, il la tira par un des plis de sa robe. Et quoy, la belle, luy dit-il, vous ne me respondez non plus que si je ne parlois point à vous ? – Aussi crois-je, dit Circéne, que vostre parole ne s’adresse pas à moy, ou que vous vous mescontez ; car qu’est-ce que vous me ’dites de veue fatale, et de vostre sacrifice? – Ce n’est point, dit-il, à autre qu’à vous que je parle, et ne vous prends point pour autre que pour vous mesme, c’est à dire pour la plus belle, et plus aymable que je vis jamais, et de qui la premiere veue a failly de me couster la vie, et la seconde me la ravira sans doute, si je vous trouve à cette heure aussi douce et favorable que Palinice me le fut en ce temps-là. – Et qu’est-ce, dit-elle, que