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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/240

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que ceux qu’ils ac­cusent de ce vice. Car lors qu’ils deviennent amoureux, n’est-ce pas de la beauté, ou de quelque chose qu’ils remarquent en la personne qui leur est agreable ? Or si ceste beauté vient à defaillir, comme c’est sans doute que le temps emporte cest advantage sur toutes les belles, ne sont-ils pas inconstans d’aymer ces laids visages, et qui ne retiennent rien de ce qu’ils souloient estre, sinon le seul nom de visage ? Si aymer le contraire de ce que l’on a aymé est inconstance, et si la laideur est le contraire de la beauté, il n’y a point de doute que celuy conclut fort bien, qui sous-tient celuy estre inconstant, qui ayant aymé un beau visage, continue de l’aymer quand il est laid. Ceste consideration m’a fait croire, que pour n’estre inconstant, il faut aymer tous]ours et en tous lieux la beauté, et que lors qu’elle se sépare de quelque subjet, on s’en doit de mesme separer d’amitié, de peur de n’aymer le contraire de ceste beauté. Je sçay bien que la vulgaire opinion tient tout le contraire; mais il me suffit pour responce, de dire que le peuple est ignorant, et qu’en cecy il en rend une veritable preuve. Ne trouvez donc estrange, ma maistresse, ny vous, gentil Paris, si, vous racontant ma vie, vous oyez plusieurs semblables changements ; car je suis si soigneux de ne contrevenir à cette constance, que j’ay mieux aymé de quitter toutes celles que j’