Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/251

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mais prenez garde que vous ne l’accusiez à faux. Ce bruit courut incontinent parmy les dames, que j’estois le chevalier de la Sirene, et Clorian de Circéne, et qu’on verroit laquelle auroit meilleure fortune en ce tournoy. Quant à moy, je n’en sçavois rien, et prenois bien garde que quand je passois sous l’eschaffaut de Circéne, elle me crioit : A Dieu chevalier de Parthenopé, mais je ne sçavois ce qu’elle vouloit dire. En fin le tournoy parachevé, chacun se retira, et nous semblant d’avoir bien faict nostre devoir, Clorian et moy, aussi tost que nous fusmes desarmez, et que nous eusmes changé d’habit, nous allasmes chez Circéne. Mais elle, qui estoit infiniment picquée contre moy, ne me fit pas l’accueil qu’elle souloit ; au contraire, quand je luy voulois parler, elle ne me disoit autre chose, sinon : Laissez moy en paix, chevalier de la Sirene. Et se tournant de Vautre costé, avec une façon de mespris, ne me respondoit qu’avec peine.

J’estois tant innocent de ce qu’elle m’accusoit, que je n’y songeois point, et ne sçavois pourquoy elle me traittoit de cette sorte, si ce n’est que je ne me fusse pas bien acquitté à son gré de l’entreprise que nous avions faite, d’estre les soustenans en ce tournoy. Mais ne me semblant pas que j’eusse plus mal fait que mon compagnon, et voyant qu’elle luy faisoit