Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/255

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mais ce ne fut que par maniere d’acquit, et comme desireux de mieux celer l’affection que je vous porte. Elle demeura quelque temps sans me respondre, et puis elle reprit tout à coup la parole de cette sorte : Or bien, fiylas, j’en croiray tout ce que vous voudrez, pourveu que vous me contentiez en une chose. – Elle sera impossible, luy dis-je, si je ne la fais. – Donnez moy, me repliqua-t’elle, Tescharpe dont je vous parle, et je vous en donneray en eschange une autre qui vaudra mieux. Je fus en peine, et eusse bien voulu m’en excuser, mais il me fut impossible.

Et oyez, je vous supplie, quelle fut sa resolution. Aussi tost qu’elle l’eust, elle se la mit au bras, et m’en donna une autre, qui sans mentir estoit beaucoup plus belle. Et le jour mesme, sçachant que je n’estois point en mon logis, elle s’en va avec quelques unes de ses amies, feignant de se promener, et passant devant ma porte, fait demander si j’estois au logis. Un homme qui me servoit, et qu’elle cognoissoit bien, vient parler à elle, et luy dit que je n’y estois pas. Nous voulions, luy dit-elle, cette bonne compagnie et moy, qu’il vinst au promenoir avec nous. Mais fais-nous un plaisir, va t’en dire à Parthenopé que nous l’attendons icy pour cet effect ; et afin que tu y ailles de meil­leur courage, voilà une escharpe que je te donne, et porte la tout aujourd’huy pour l’amour de moy.