Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/263

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pour ce qui vous touche. Et si quelque autre que vous tenoit ce langage, il seroit mal-aysé que je le souf­frisse, mais à vous, je ne puis faire autre responce sinon que si tous les yeux qui vous regardent, ne vous voyoient telle que je vous vois, je pourrois penser que les miens peut-estre me vou­lussent tromper ; mais puis qu’ils font tous un mesme rap­port, je veux croire que la. modestie est celle qui vous fait parler contre l’opinion de tous, encor que vos yeux ne voyent pas differemment des nostres. – Je crois, dit-elle, avec la verité, que mon visage n’a rien qui puisse meriter le nom que vous luy donnez, mais tel qu’il est, n’en parlons plus ; la continuation en est hors de saison et de peu de plaisir. – Je vous obeiray, luy dis-je, mais ce sera avec cette protestation que je ne parlay jamais plus selon ma creance, et que ce que vous me deffendez d’avoir en la bouche, je l’auray le reste de ma vie au profond du cœur.

Nous eussions continué, n’eust esté que ses compagnes l’appellerent, qui estaient desja entrées dans le bateau. Elle se leva donc sans me respondre, et ramassant ses fleurs dans l’un des’ pans de sa robe, je la pris sous les bras, et la conduisis dans sa troupe, où n’osant reprendre le discours que nous avions laissé, de peur de paroistre trop hardy (car c’est un tesmoignage de n’aimer guiere, que d’avoir trop de hardiesse en ces premieres declarations) je me