Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/268

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qui l’en advertirent. Elle se repentit, mais trop tard, de s’estre conduite avec peu de prudence, et s’excusoit, en me parlant, qu’elle n’avoit jamais pensé de m’aimer tant qu’elle faisoit, et que cela l’avoit empeschée de prendre garde à ces visibles connoissances que nous donnions de nostre bonne volonté, mais qu’à l’advenir, pour les cacher mieux, il ne faloit plus que je la visse que le soir, afin d’estouffer, s’il se pouvoit, ce fascheux bruit. Je m’y contraignis quelque temps pour luy complaire, mais parce qu’elle ne s’ennuyoit guere moins d’estre privée de ma veue, que moy de l’estre de la sienne, nous resolumes de chercher quelque moyen pour estre plus longuement ensemble.

Apres y avoir pensé quelque temps, elle me conseilla de faire semblant d’aimer quelques-unes de celles qui la voyoient plus familierement, afin que sous ce prétexte je peusse demeurer aupres d’elle. Et lors qu’elle y eut long temps resvé, en fin elle n’en trouva point une plus à propos que Dorinde, tant à cause qu’il y avoit quelque alliance entre elles qui les rendoit plus familieres, que parce que cette fille estoit assez belle, et non pas trop fine, encor que depuis elle prit bien de l’esprit et de la malice, comme je vous diray. Et quoy qu’elle ne fut pas si belle que Florice, ny. mesme si advantagée de biens et d’une suite de grands ayeulx, si ne laissoit-elle pas d’en voir beaucoup