Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/282

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vous l’effronterie de vous trouver devant ses yeux ?

Je m’estois desja bien preparé à ces reproches, mais encore ne les peus-je supporter sans rougir, et parce que je sçavois bien que de vouloir les arrester d’abord, c’estoit s’opposer à la furie d’un torrent impétueux, je pensay qu’il estoit à propos de laisser un peu escouler son juste courroux avant que de luy respondre. Et quand elle eut dit tout ce que je pensois qu’elle eust peu dire, je luy respondis de cette sorte : Je ne me plains nullement des reproches que vous me faites, car j’avoue que vous avez plus de raison d’en user ainsi contre moy, que si vous faisiez autrement. Mais je me plaindray bien avec subjet de l’amour, qui ayant mis tant de feux dans mon ame pour vous, vous a laissée si gelée pour moy ; puis que s’il eust esté juste, il eust en quelque sorte alenty ma trop ardente affection, et je m’eusse pas esté contraint de vous offenser, et eust un peu rechauffé cette grande froideur qui vous fait si mauvaise la ruse avec laquelle j’y chassé un rival d’aupres de vous. Mais je voy bien que vous me direz que je suis bien novice en amour, puis que je demande la raison en ce qu’il fait. Il est vray que je vous respondray que, s’il est ainsi, vous avez encore plus de tort, belle Dorinde, de vous plaindre de mes actions, si estant