Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/283

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produites par l’amour, vous voulez toutesfois qu’elles soient reiglées à la raison. J’avoue que j’ay failly contre la raison, mais je nie que ce soit contre l’amour, et par ainsi recevez-moy, non pas comme raisonnable, mais comme amoureux, et d’autant plus deraisonnable, que je suis plus vivement attaint et possedé d’amour.

Ces paroles proferées avec toute l’affection qu’il m’estoit possible, firent en fin si grand effort en son ame, que quelques jours apres elle me remit toute l’offence que luy avois faite. Et voyez comme le malheur est quelquefois profitable : il advint depuis que ce qui avoit esté cause de sa colere, le fut d’augmenter sa bonne volonté ; car considerant l’artifice dont j’avois usé, elle eut opinion que veritable je l’aimois. Et cette connoissance fut cause que Teombre fut encor sans maistresse, car elle se donna entierement à moy, si bien qu’il sembloit que je n’aimasse que pour le faire hayr, et toutesfois j’aimois encor beaucoup d’avantage Florice que Dorinde. Il est vray que quand Dorinde commença de me favoriser plus de coustume, je commençay aussi de l’aymer d’avantage, car rien n’augmente tant mon affection que les faveurs.

Vivant donc de cette sorte avec toutes deux, Florice commença d’entrer en quelques soupçons,