Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/286

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ayant quelque temps attendu, en fin voyant qu’il ne disoit mot, apres avoir hoché la teste, reprit de cette sorte le discours qu’il avoit laissé :

Or voyez ce qui advint de ces amours. La conversation ordinaire que j’eus avec Dorinde, commença de me la faire aimer d’avantage, et d’autant qu’une faveur receue de bonne volonté en attire une plus grande, elle me donnoit tous les jours de plus clairs tesmoignages de son amitié, qui fut cause que les lettres changeant aussi de stile, devindrent plus affectionnées que de coustume. Cela fut cause que je n’en donnois plus à Florice que fort rarement, et encores de celles qui avoient moins d’apparence de bonne volonté, gardant finement les autres. Je vesquis de ceste sorte quelque temps avec plus de plaisir que je ne sçaurois raconter, estant bien veu de toutes les deux. Mais d’autant que les dieux ordonnent que les plus grands contentements des hommes soient le plus aisement alterez, et se perdent plus facilement, ce bonheur ne me dura gueres, parce qu’il advint qu’un jour fouillant dans ma poche en la presence de Florice et de quelques autres de ses compagnes, elle y entrevit deux ou trois petites lettres pliées de la mesme sorte qu’estoient celles que je luy avois données de Dorinde. Elle soupçonna incontinent la verité, aussi avoit-