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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/30

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c’est sans violence et sans effort, et n’y a point d’autre changement sinon que la memoire se couvre peu à peu d’oubli, comme un feu de sa propre cendre. Mais quand une amour se rompt en presence, ce n’est jamais sans esclat, ny sans un extreme effort, voire (est qui est un grand tesmoignage de ce que je dis) sans faire naistre des cendres de l’amour esteinte une haine plus grande encor que n’a esté cest amour.

Et cela procede de ceste raison. L’amant est où aimé, ou hay, ou indifferent : s’il est aymé, d’autant que l’abondance soule incontinent, l’amour aussi tost se perd en presence, estant outragé, s’il faut dire ainsi, de trop de faveurs ; s’il est hay, d’autant qu’à toutes heures il rec,oit des nouvelles cognoissances de hayne, il est impossible, qu’entrre tant de coups, il n’y ait quelqu’un, qui perce ses armes, pour fortes qu’elles soyent, et qui ne le contraigne, estant plusieurs fois redoublé, de quitter toute sorte de deffense. Que s’il est indifferent, lorsqu’il coninue son amour, se voyant à toute heure mesprisé, il faut wu’il soit sans courage, mais, s’il n’en a point, comment resistera-t’il aux continuels outrages qu’il en recevra ? Au lieu qu’en l’absence les faveurs receues ne peuvent estre de celles qui soulent par leur abondance, puis qu’elles ne font quattriser les desirs, et la cognoissance de la haine ne venant en nostre ame que par l’ouye,