Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de moy, non pas pour vous faire perdre personne que vous ayez acquise, comme vous me fistes autresfois avec un semblable present, mais pour vous asseurer que vous avez d’autant de puissance sur celle qui le vous envoye, que sur la peinture mesme que je vous remets entre les mains. S’il m’estoit permis, je serois aussi souvent avec vous, qu’elle sera heureuse en cela plus que moy, et moins heureuse seulement en ce qu’elle possedera ce bien sans le cognoistre, que sans le posseder j’estime plus que ma vie.

Jettant alors ceste lettre de despit sur la table, et de colere poussant les autres loing d’elle, elle se recula d’un pas, et se nouant les bras l’un dans l’autre, tint quelque temps les yeux fermes dessus ; et puis, comme revenant d’un profond sommeil : O dieux ! dit-elle, est-il possible que ce que je voy soit veritable ? Se peut-il faire, Hylas, que tu m’ayes trahy ? Est-il vray que tu te sois si long temps mocqué de moy, et que je n’aye eu de veue pour remarquer