Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/31

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il y a bien de la difference, et les coups en sont bien moindre que ceux que nous recenvons par la veue, de sorte que les blessures en sont beaucoup moins cuisantes, et les sujets de mespris n’estant si ordinaires ny si difficiles à supporter, c’est sans doute que l’absence est beauoup plus propre à conserver une affection que n’est la presence.

J’advoue, ayant consideré ce que vous dites, respondit la nymphe, qu’il est vray, et qu’en presence il survient plusieurs occasions qui rouinent l’amour, desquelle l’absence est exempte. Mais si ne sçauriez-vous me persuader qu’en voyant ce que l’on ayme, l’on n’augmente d’affection beaucoup plus qu’en ne le voyant pas, parce que l’amour se nourissat des favwurs et des caresses, celles que l’on reçoit en presence sont beaucoup plus grandes et plus sensibles que les autres. – Je croyois adjousta la berger, avoir desja satisfait à cette demande, mais puisqu’il vous plaist d’en avoir de plus claires raisons, il faut, madame, que j’essaye de vous en donner. Nous avons des-ja dit que c’est par les yeux que l’amour commende, mais ce nest pas toutesfois des yeux qu’elle naist, ny ce ne sont point ceux qui la produisent ; la beauté et la bonté estant cogneues sont sans plus celles qui luy donnent naissance en nous. Or la cognoissance de la beauté vient bien par les