Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/324

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dans ma poche, et ne trouvant point ma lettre, je jugeay bien que Periandre me l’avoit derobée ; et faisant milles protestations à cette fille pour mon innocence, je party, resolu de m’en venger.

Mais quand je rencontray mon amy, et que d’un visage renfrongné, je me plaignis du larcin qu’il m’avoit fait, il repondit en souriant : Si en cela je vous ay despleu, j’en suis marry, et vous le devez oublier, si vous avez memoire que vos me fistes bien plus d’offence en me derobant Dorinde, par l’artifice d’un miroir, que je ne vous en ay fait en vous prenant une lettre. – Mais, luy dis-je, je vous ay rendu vostre maistresse, et vous me faites perdre la mienne. – Je ne sçay en cela que vous dire (respondit-il) sinon que pour vous la rendre, je luy diray le larcin que je vous ay fait.

J’aimois Periandre, et peut-estre autant que pas une de ces dames. Cela fut cause que je receus son excuse, jugeant mesme que c’estoit le moyen de revenir aux bonnes graces de Florice. Et pource, convertissant le tout en gausserie, nous fismes dessein d’attendre le retour de Florice, à fin de le sortir de l’erreur où elle estoit. Mais Teombre qui estoit homme d’esprit, et qui avoit bien fait semblant de prendre pour payement les excuses de sa femme, se resolut de demeurer quelque temps aux champs, à fin de recognoistre mieux ceux qui la recherchoient, et de quelle humeur elle estoit ; et en ceste deliberation