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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/353

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des grands dieux, sont-ce pas des merveilles,
Et ces beaux yeux aussi, ne sont-ce pas des dieux ?
 Les aimer comme humains, c’est donc erreur extréme,
Puis qu’il faut des grands dieux reverer le pouvoir ?
– Ne commandent-ils pas à ton cœur qu’il les ayme,
Ayant desja permis à tes yeux de les voir ?
 Il est vray, mais mon cœur touché de reverence
Doit de devotion, non d’amour s’allumer.
– Les dieux ne veulent rien outre nostre puissance,
Espreuve, si tu peux, les voir sans les aymer.

Cependant que Diane, pour amuser toute la compagnie, alloit lisant tout haut ces vers, et ceux-cy estans finis, en prenoit d’autres, dont l’autel estoit presque couvert, Phillis s’adressant à la bergere Astrée : Mon Dieu, ma sœur, luy dit-elle, que je demeure estonnée des choses que je voy en ce lieu ! – Et moy, dit-elle, j’en suis tant hors de moy que je ne sçay si je dors ou si je veille, et voyez ceste lettre, et puis me dites, je vous supplie, si vous n’en avez jamais veu de semblables. – C’est, respondit Phillis, de l’escriture de Celadon, ou je ne suis pas Phillis. – Il n’y a point de doute, repliqua Astrée, et mesmes je me ressouviens qu’il avoit escrit ce dernier vers.