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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/380

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car Astrée luy eust volontiers donné toute sorte d’aide, recognoissant la pure et sincere amitié qu’il portoit à Diane. Aussi, le naturel d’une personne qui ayme bien est de ne nuire jamais aux amours d’autruy, si elles ne sont prejudiciables aux siennes.

Et lors qu’il levoit la teste pour luy respondre, il arriva dans le bois, qui fut cause que sans faire semblant de ce qu’ils avoient dit : Voicy, luy dit-il, sage bergere, le bois que vous avez tant desiré ; mais il est si tard que le soleil est desja couché, de sorte que nous n’aurions pas beaucoup de loisir de la visiter. – Si nous y trouvons, dit-elle, des choses aussi rares que nous en avons trouvé en celuy d’où nous venons, c’est sans doute que le temps sera court, puis qu’à peine pourrions-nous de-ja lire, tant il est tard. Il est vray que ne devons pas plaindre nostre journée, l’ayant trop bien employée, ce me semble.

Avec semblables discours, ils entrerent dans le bois, et ne se donnerent garde que la nuict peu à peu leur osta de sorte la clarté, qu’ils ne se voyoient plus et ne se suivoient qu’à la parolle. Et lors s’enfonçant davantage dans le bois, il perdit tellement toute cognoissance du chemin, qu’il fut contraint d’avouer qu’il ne sçavoit où il estoit. Cela procedoit d’une herbe sur laquelle il avoit marché, que ceux de la contrée nomment l’herbe du fourvoyement, parce qu’elle fait égarer et perdre le chemin