Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/382

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dans une juste balance. – Je voudrois bien, ma maistresse, dict Hylas, que seule vous tinssiez cette balance, et que seule vous fissiez jugement de la pesanteur de l’un et de l’autre ; car encor que je n’y fusse point, je ne laisserois pas de m’en raporter à ce que vous en auriez jugé.

Chacun se mit à rire de la bonne volonté de Hylas, et Silvandre qui l’oyoit, ne pût luy respondre autre chose sinon : J’avoue, Hylas, que je suis un aveugle qui en conduis plusieurs autres. – Mais le mal est, dit Hylas, qu’ils ne sont aveugles que pour s’estre trop fiez en vos yeux. – Si vous n’eussiez point esté en la trouppe, adjousta Silvandre, cet aveuglement ne nous fût point advenu. – Et pourquoy, dit-il, vous ay-je peut-estre osté les yeux ? – Les yeux, non, respondit Silvandre, mais ouy bien le moyen de voir, nous ayant trop longuement entretenus par les longs discours de vos inconstances, et puis par les loix, que comme profane vous avez falsifiées, qui est en effet ce qui nous a mis à la nuit. – Vrayement, Silvandre, respondit Hylas, tu me fais ressouvenir de ceux qui apres avoir trouvé le vin trop bon, le blasment de ce qu’ils s’en sont enyvrez : Et mes amis ! leur faut-il dire, pourquoy en beuviez-vous tant ? At amy Silvandre, pourquoy m’escoutois-tu si longuement ? T’avois-je attaché par les aureilles ? – J’avois bien en ce lieu, dit Silvandre, des chaisnes plus fortes que les tiennes. Mais, quoy que c’en soit, nous