Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus de cent coups, fut trouvé sur le corps de son roy où il s’estoit mis pour le deffendre, et pour recevoir les coups en son lieu. Ce que Torrismonde son successeur, et son fils, eut tant agreable que la bataille estant gagnée, il fit emporter son pere et le mien, et les fit enterrer en un mesme tombeau, mettant toutesfois la chasse de plomb de mon pere aux pieds du sein, y faisant graver des inscriptions tant honorables, que la memoire ne s’en esteindra jamais.

Lors que mon pere mourut, je pouvois avoir l’aage de sept ou huict ans, et commençay dés ce temps là de ressentir les rigueurs de la fortune. Car Leontidas, qui avoit succedé à la charge de mon pere, et que Torrismonde aymoit par dessus tous les chevaliers d’Aquitaine, usa de tant d’artifices que je luy fut remise entre les mains et presque ravie de celles de ma mere, sous un pretexte qu’ils nommoient raison d’estat, disant qu’ayant tant de grands biens, et de places fortes, il faloit prendre garde que je ne me mariasse à personne qui ne fust bien affectionnée au service de Torrismonde. Me voilà donc sans pere, et sans mere, privée de l’un par la rigueur de mort, et de l’autre par celle de ceste raison d’estat ; toutesfois la fortune me fut favorable de ce que je rencontray tant de douceur, et tant d’honnesteté en Leontidas, que je ne pouvois desirer