Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/390

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de meilleurs offices que ceux que je recevois de luy, ne luy deffaillant rien que le nom de pere. Sa femme n’estoit pas de ceste humeur, qui au contraire me traittoit si cruellement, que je puis dire n’avoir jamais tant hay la mort, que je luy voulois de mal.

Or le dessein de Leontidas estoit de m’élever jusques en l’aage de me marier, et puis de me donner à l’un de ses neveux qu’il avoit esleu pour son héritier, n’ayant jamais peu avoir des enfans. Mais d’autant que la contrainte est la plus puissante occasion qui empesche un esprit genereux de se plier à quelque chose, il avint que son nepveu n’eut jamais de l’amour pour moy, ny moy pour luy, nous semblant que nos fortunes estant limitées en nous-mesmes, nous estions cause l’un à l’autre de ce que nous ne pouvions esperer rien de plus grand, outre que nous n’estimions pas ce qui nous estoit acquis sans peine. Ce furent donc ces considerations ou d’autres plus cachées, qui nous empescherent d’avoir de l’amitié l’un pour l’autre ; mais lors que j’eus un peu d’âge, il y en eust bien de plus grandes. Car la recherche de plusieurs jeunes chevaliers, si pleine d’honneur et de respect, me faisoit paroistre plus fascheux le mespris dont usoit le nepveu de Leontidas envers moy. Luy d’autre costé picqué de ce que je le desdaignois, comme il luy sembloit, se