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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/396

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Damon, luy dis-je, depuis quand estes-vous devenu si peu soucieux de me plaire que vous ne me vueillez dire ce que je vous demande ? – Je crains, me respondit-il, de vous offencer si je vous obeys, car celle à qui cette lettre s’addresse est fort de vos amies, comme je vous ay dit. – Vous me ferez sans doute, luy repliquay-je, une offence beaucoup plus grande en me desobeyssant. – Je suis donc, me dit-il, entre deux grandes extremitez, mais puis que la faute que je feray par vostre commandement sera beaucoup moindre, je vais vous obeyr. Et me prenant la lettre, me la releut tout haut, mais estant parvenu à la fin, il s’arresta tout court sans nommer personne.

Voyez, belles bergeres, que c’est que l’amour ! Quelquefois il porte les esprits les plus abaissez à des temeritez incroyables, et d’autresfois fait trembler les courages plus relevez en des occasions, que les moindres personnes ne redouteraient point. Damon en sert d’exemple, puis que luy qui, entre les plus effroyables dangers des armes, pouvait estre appellé temeraire, comme je vous ay dit, n’avoit la hardiesse de dire son nom à une fille, fille encores qu’il sçavoit bien ne luy vouloir point de mal. Mais s’il avoit peu de courage, j’avois ce me semble encor moins d’entendement ; car je devois bien connoistre à la crainte qu’il avoit, que cela luy