Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

touchoit, et je veux croire qu’Amour estoit celuy qui me bouchoit les yeux, ayant fait dessein de rendre par nous sa puissance mieux cogneue à chacun. Autrement j’y eusse bien pris garde puis que je l’aymois, et qu’on dit que les yeux des amants persent les murailles. Quoy que ce fust, j’advoue que je n’y pensois point, et voyant qu’il se taisoit : Et quoy ? luy dis-je, Damon, n’en scauray-je autre chose ? Vrayement je pensois avoir plus de pouvoir sur vous. – Tant s’en faut, me respondit-il, que mon silence procede de là, que ce qui m’empesche de vous en dire davantage, c’est que vous pouvez trop sur moy. Et toutesfois ce que je vous en ay dit vous devroit suffire ; car que puis-je vous en declarer, apres vous en avoir fait lire la lettre, et ouyr la voix ? – Comment, luy dis-je, toute estonnée, est-ce vous, Damon, qui l’avez escrite ? – C’est moy sans doute, dit-il, baissant les yeux contre terre. – Et je vous supplie, continuay-je, dites-moy à qui elle s’addresse. – C’est, adjousta-t’il froidement, puis qu’il vous plaist de le sçavoir, à la belle Madonte. Et à ce mot, il se teut pour voir, comme je croy, de quelle sorte je recevrois cette declaration.

J’advoue que je fus surprise, parce que j’attendois toute autre responce que celle là ; et quoy que je l’aymasse comme je vous ay dit, et que ce fust d’une volonté resolue, si est-ce que l’honneur qui doit tousjours