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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/398

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tenir le premier lieu dans nos ames, me fit croire que ces parolles m’offençoient. Et quoy que je reconnusse bien que j’avois esté cause de sa hardiesse, si ne voulus-je point l’excuser, me semblant que comme que ce fust, il se devoit taire. Il est vray qu’amour qui n’estoit pas foible en moy tenoit fort son party, et quoy qu’il ne peust estoufer entierement les ressentimens que l’honneur me donnoit, si les adoucissoit-il infiniment.

En fin je luy respondis ainsi : Malaisément, Damon, eussé-je attendu cette trahison de vous en qui je m’asseurois comme en moy-mesme ; mais par cette action vous m’avez apris qu’il ne se faut jamais fier en un jeune homme, ny en une personne temeraire. Toutesfois je ne vous accuse pas entierement de cette faute, j’en suis coulpable en partie, ayant vescu par le passé avec vous de la sorte que j’ay fait. Vostre outrecuidance sera cause que je seray plus avisée à l’advenir et pour vous et pour tous les autres qui vous ressembleront. – Si vous appellez trahison, me respondit-il, vous avoir plus aymée que vous n’avez pensé, je confesse que vous estes trahie de moy, et que vous le serez de cette sorte tant que je vivray, sçachant bien que ny vous ne personne du monde ne sçauroit se figurer la grandeur de mon affection. Et si vous croyez que ma jeunesse m’en ait donné la volonté et ma temerité la hardiesse, je maintiendray