Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/401

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d’autant plus chers qu’ils rendront plus de preuve que vous estes aymée de Damon. Et ne pensez plus que je vous mescognoisse, ny ceux dont vous estes descendue. Vos vertus sont trop gravées en mon ame, et j’ay trop d’obligation à ceux qui vous ont mise au monde pour en perdre la memoire, mais si je ne vous ay offencée que par la parole et non par le dessein que j’ay eu de vous rendre service, laissons là, madame, ceste fascheuse parole, oublions-la. Commandez-moy que je sois muet, pourveu qu’il soit permis à mon ame de vous adorer, je veux bien ne parler jamais. Mais si vous redoutez si fort que je vous die que je vous ayme, et si vous croyez que cela importe tant à cette reputation dont justement vous estes si soigneuse, ne croyez vous pas que vous vous allez procurer un extréme desplaisir, puisque vivant avec moy comme vous me menassez, il sera impossible que mon affection ne se manifeste à chacun ? Et par ainsi, ce que je vous dis en particulier sera public par tous ceux de ceste Cour, et ne serez-vous pas plus offencée de l’ouyr de la bouche de chacun et en public que de la mienne en particulier ? Avant que d’ordonner ce qu’il vous plaist faire de moy, je vous supplie, madame, considerez ce que je vous dis, et de plus, que si je ne faux point, vous n’avez point de raison de me punir. Et si vous estes offencée, et