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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/408

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cette femme se sentoit tellement obligée aux caresses que je luy avois faites, que je cognoissois bien que veritablement elle m’aymoit ; et en fin qu’à la longue il perdroit la mauvaise opinion qu’il avoit d’elle, parce que la pratiquant d’avantage, il cognoistroit que c’estoit une personne d’honneur. Damon ne sçeut faire autre chose, voyant comme j’en estois abusée, que de plier les espaules, et depuis ne m’en osa plus parler de peur de me desplaire.

Et voyez combien la bonne opinion que nous avons d’une personne, a de force sur nous : je voyois bien la recherche qu’elle faisoit à Damon, et ne pouvois m’imaginer que ce fust à mauvaise intention, me figurant que tout ce qu’elle en faisoit, n’estoit que pour me complaire. O que le visage dissimulé de la prud’hommie couvre, et nous fait mescognoistre de vices ! Et cela estoit cause que quelquefois Damon recevoit mauvaise chere de moy, me semblant qu’il ne traittoit pas avec Leriane comme il devoit, puis que je luy avois dit que je l’aimois, et que c’estoit la moindre chose qu’il deust faire pour moy, que de faire cas de ceux de qui je cherissois l’amitié. Ce que Damon recognoissoit bien, et ne s’en osoit plaindre, de peur de faire pis, mais seulement nourrissoit en son ame une si cruelle hayne contre elle, qu’à peine la pouvoit-il cacher. Au contraire Leriane augmentoit de jour à autre de telle sorte ceste affection