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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/41

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fait dessein de donner autant de jalousie à Lycidas qu’il seroit possible, voyant que Phyllis attentive à ce qu’elle chantoit, et Astrée aux pensées que ces paroles renouvelloient en sa memoire, ne prenoient garde à Leonide, ny à eux, s’avança, courant vers elles, et se jettant à genoux, et luy surprenant la main la lui baisa puis se relevant l’advertit de la venue de la nymphe et de Paris.

Elle n’eut le loisir de se courroucer à luy de cette outrecuidance, parce que Leonide se trouva si proche qu’elle fut contrainte de se lever, pour luy rendre l’honneur qu’elle luy devoit. A quoy, Silvandre, la prenant sous le bras, la voulut ayder, mais elle le repoussa du coude, voyant mesme Lycidas de la compagnie ; ce qui ne fist une legere blessure en l’ame de ce berger jaloux, qui voyant bien que Phillis l’avoit aperceu, eut opinion qu’elle l’eust repoussé de ceste sorte, parce que c’estoit en sa presence.

Mais apres que les salutations faites, et rendues d’un costé et d’autre, chacun eut pris place sous ce grand arbre, Silvandre qui avoit resolu de donner ceste journée à la jalousie de Lycidas, se remettant à genoux devant Phillis : Et bien, belle bergere, luy dit-il, jusques à quand ordonnez-vous que nostre guerre dure ? quel terme avez-vous estably à mes services ? combien de temps encores prendrez-vous plaisir aux travaux que vuos me faites souffrir ?