Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/42

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Il ne sera pas vray pour le moins, si j’endure de la peine, si je sers et si vous me surmontez, que vous soyez entierement exempte de travail et de solicitude ; car, où vous employerez contre moy tous vos artifices, toutes vos armes, et toutes vos forces, ou sans doute la victoire demeurera la mienne.

Phillis qui entendoit bien que ce berger vouloit parler de la gageure qu’ils avoient faite, à qui se feroit mieux aymer à Diane, recevoit ces paroles comme elles devoient estre entendues ; mais Lycidas qui pensoit que cete gageure n’avoit estée inventée que pour couvrir leur affection, les prenoit tout autrement qu’elle, dequoy elle s’aperceut aysément, jettant à tous coups les yeux sur luy, et pour luy oster ceste opinion, respondit à Silvandre de ceste sorte : Berger, berger, souvenez-vous que si mon ennemy estoit tel qu’il me fallut, pour le vaincre, y rapporter tant de peine, et luy opposer tant d’efforts, il ne vous ressembleroit point, et ce ne seroit pas contre Silvandre que j’aurois faict la gageure, dont vous voulez parler, car contre luy il me suffit de dire : Je veux vaincre.

Silvandre qui recogneut bien le dessein de Phillis, pour le contrarier, luy respondit : Personne ne peut ignorer ce que vous pouvez, mais Silvandre en sera encores moins ignorant que tous les autres bergers