Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/413

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dire pour esperer tant soit peu d’allgement.

Ceste ruzée de Leriane, qui sçavoit bien ce qu’il vouloit dire, feignant de ne l’entendre pas, le tourne de tant de côtez, qu’elle luy arracha le nom de Madonte, de la bouche, mais avec tant d’excuses qu’elle jugea bien qu’il recognoissoit son outrecuidance, et qu’il falloit luy donner du courage pour continuer son dessein. C’est pourquoy d’abord elle luy dit qu’elle ne trouvoit point tant d’inegalité entre luy et moy, que cela l’en deust retirer. Que si la fortune m’avoit favorisée de beaucoup de biens et d’estre née de ces grands ayeux dont je tirois mon origine, qu’il avoit tant de vertus, que s’il estoit moindre en fortune, il m’estoit égal en merite.

Elle avoit feint tout le discours precedent, qu’elle disoit que nous avions eu ensemble, et m’en avoit attribué la plus grande partie, pour luy donner la hardiesse de se declarer, et maintenant pour luy donner le courage de continuer, elle en invente un autre aussi peu veritable, luy disant qu’elle avoit bien recogneu aux paroles que je luy avois dittes de luy plusieurs fois, que je l’estimois, voire que je l’aimois, autant que je me sentois importunée de Damon. Elle ne mentoit pas, encor qu’elle creut de mentir, car il estoit vray que je l’aimois autant que j’estois importunée de Damon. Et pour le luy persuader mieux, luy disait