Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/414

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que bien souvent quand il s’approchoit de moy, je disois, me tournant vers elle, que pour le moins Damon fust changé en Tersandre. Et sur ce discours elle s’estendoit le plus qu’elle pouvoit en des louangés qu’elle disoit de luy, et qu’elle feignoit de redire apres moy, et pour la fin juroit que je ne trouvois rien de mauvais en luy, que le trop grand respect qu’il me portoit, à fin que par ce moyen il fust plus hardy et perdist la grande apprehension qu’il avoit pour nostre inegalité. Ayant donc jetté de cette sorte les fondements de sa trahison, elle voulut sonder ma volonté, me parlant quelquesfois de Damon, et comme si c’eust esté par mesgarde, elle y mesloit toujours quelque chose à la louange de Tersandre. Ce que je n’entendois point, car je n’eusse jamais tourné les yeux sur luy, et voyant que j’en parlois comme d’une personne indifferente, elle eut opinion que peut-estre en recevrois-je des lettres, si elles m’estoient données bien à propos. Le jour de l’an approchoit et l’on a de coustume de se donner l’un à l’autre de petits presents, que nous nommons les estrénes. Elle pensa que des gands parfumez qu’elle avoit recouvrez, seroient propres pour m’en faire voir une. Elle asseura donc Tersandre de m’en donner, et sous cette esperance, en retire de luy une qu’elle met dans un