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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/417

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tres-heureux, et vous seriez fort fidellement servie. Car je sçay bien que jamais personne ne Parviendra à la grandeur de ma passion, encore que tous les cœurs se missent ensemble pour vous aymer, et adorer.

Les flateries de ceste lettre me pleurent, mais venant de la part de Tersandre, j’en eus honte, ne voulant qu’une telle personne eust la hardiesse de tourner les yeux sur moy pour ce sujet. J’en fus offencée contre Leriane, et trouvant fort estrange qu’elle m’eust fait voir ceste lettre, je consultay longuement en moymesme si je m’en devois plaindre à elle ou bien n’en faire point de semblant. Je resolus en fin de luy dire que je l’avois jettée au feu sans la lire, parce que si j’en eusse fait des plaintes, peut-estre m’en eust-elle dit d’avantage et j’en voulois fuir les occasions, tant pour en amortir le bruit entierement, que pour n’avoir sujet d’esloigner Leriane de moy, de qui l’humeur m’estoit tres-agreable. Et toutesfois je cognoissois qu’elle avoit eu tort, mais ma jeunesse et l’amitié que je luy portois, me contraignirent de l’oublier, et de chercher mesme des excuses à sa faute, lors qu’elle revint de là à quelques jours et n’ayant pas, comme je crois, la hardiesse de me voir si tost apres ce beau message. Et parce que je ne voulus porter les gands qu’elle m’avoit donnez,