Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/418

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ayant opinion qu’ils venoient de Tersandre, aussy bien que la lettre, elle me demanda que j’en avois faict. – Je les ay donnez, luy dis-je, d’autant qu’ils n’estoyent pas bien pour ma main. – Et du papier, dit-elle, qui estoit dedans, qu’en avez-vous fait  ? – Je l’ay jetté au feu, luy respondis-je : estoit-ce quelque chose d’importance ? – Vous ne l’avez donc point leu, me dit-elle ? Et luy ayant respondu que non, elle continua qu’elle en estoit tres-aise parce qu’elle avoit esté trompée par une personne en qui elle se fioit, mais qu’elle louoit Dieu que le feu eust netoyé sa faute. Et qu’estoit celuy, demanday-je ? – Vous ne le sçaurez pas de moy, dit-elle, et vous asseure que depuis que j’ay sceu ce que c’estoit (qui n’est que depuis une heure) je mourois de peur que vous ne la leussiez, et venois pour vous en empescher.

Ceste fine femme pensa bien toutesfois que je l’avois leue, mais cognoissant par ce que je luy en disois, que je n’estois pas encor bien disposée à ce qu’elle vouloit, elle crut estre necessaire de me laisser une bonne opinion d’elle, et de feindre aussi bien que moy. Et parce qu’elle sçavoit que j’aymois Damon, elle en accuse cette bonne volonté, et pensa qu’elle ne pouvoit mieux bastir son dessein que des ruines de l’amitié que je portois à ce chevalier. Cela fut cause qu’elle tourna tout son esprit à la ruiner, et d’autant qu’elle cognoissoit