Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/43

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de Lignon, ouis qu’il a souvent ressenty les effets de vostre beauté. – Si cela est, repliqua la bergere, il vous et donc advenu comme à ceux qui s’esblouissent au soleil sans que le solieil s’en aperçoive. – Ah ! respondit incontinent le berger, qui voit le soleil de vos yeux et volontairement ne s’y esblouit comme moy n’est pas digne de le voir. – Je ne scay, adjousta Phillis, rougissant de ces paroles, quel peut estre votre dessein en me parlant de cette sorte, mais je suis bien asseurée que vostre maitresse sera averite de vos faintizes, et par ce que c’est dans peu de jours que nous devons recevoir l’arrest de nostre gageure, je m’asseure que ces paroles vous cousteront cher et que vous sçaurez combien est cuisante une trop tardive repentance. – Ne croyez point, dit-il, bergere, que jamais je me repente de vous avoir asseurée de l’affection que je vous porte, puis qu’au contraire je dos avoir plus de regret d’avor si longuement vescu sans le vous avoir declaré, que je ne dois craindre de mal de ce dont vous me menacez.

Phillis cognoissoit bien qu’il se mocquoit, et Astrée aussi, mais cela ne pouvoit la satisfaire pour le soupçon que telles paroles faisoient naistre en Lycidas, qui cependant, considerant la peine où elle en estoit, se fortifioit tousjours