Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/420

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cherché quelques jours en vain, se resolut de suppléer par la finesse au deffaut d’une niece qu’elle nourrissoit.

C’estoit une jeune fille qui s’appelloit Ormanthe, je dis jeune d’âge et d’esprit, qui avoit le visage assez beau, mais si desnuée de ce vif esprit, qui donne de l’amour, que peu de personnes la jugeoient belle. Leriane toutesfois eut opinion qu’elle l’instruiroit de sorte, qu’où la nature deffailloit, son artifice donneroit un si grand secours, que tout reussiroit à son advantage. En ce dessein elle tire à part Ormanthe, la tanse du peu de soing qu’elle a d’elle-mesme, qu’elle devroit avoir honte de voir toutes ses compagnes aymées et servies, qui estoient beaucoup moins belles qu’elle n’estoit pas, et qu’elle n’avoit sceu encores obliger le moindre chevalier à l’aymer, que cela procedoit de sa nonchalance et de sorn peu d’esprit, que, quant à elle, si elle ne se vouloit resoudre à mieux faire, qu’elle la renvoyeroit vers sa mere, parce que demeurant d’avantage dans la Cour, elle n’y feroit autre chose qu’y devenir vieille fille.

Ormanthe qui craignoit que sa mere la maltraitast si Leriane la renvoyoit de ceste sorte, les larmes aux yeux, se jette à ses genoux, la supplie de luy vouloir pardonner les fautes qu’elle avoit faites, et luy promet qu’à l’advenir elle s’estudiera de luy donner plus de contentement.