Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/422

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les moyens de s’appiocher de vous, tant vous estes mal accostable, et tant ceste sotte humeur, et façon retirée, luy en a osté la commodité. Et Dieu sçait si en toute la Cour, il y a chevalier de plus de merite, et si vous ne seriez pas la fille la mieux servie et la plus honorée, si ce bien vous avenoit. Que si cette bonne fortune se presentoit à quelques autres de vos compagnes, de quel courage seroit-elle receue, et de quelle industrie et de quel artifice n’useroient-elles point pour le posseder entierement ? Or je vous diray donc encore cette fois pour toutes que, si vous voulez, Ormanthe, que j e vous retienne plus longuement en ce lieu, je desire que vous donniez autant de sujet à Damon de vous aymer, que vous luy en avez donné du contraire, et ne craignez que les faveurs que vous luy ferez soient veues de quelque autre ; car le dessein qu’il a de vous espouser, couvrira assez tout ce qu’on en sçauroit penser à son desadvantage.

Telle fut la leçon que Leriane fist à ceste jeune fille, qui ne tomba point en une terre ingratte, d’autant que Ormanthe qui de son naturel estoit d’humeur libre, et sans feintise, n’ayant plus de bride qui la retint, tant s’en faut, ayant les instructions de Leriane qui l’y poussoient, faisait depuis ce jour tant d’extraordinaires caresses à Damon, que luy et, tous ceux qui les voyoient en demeuroient estonnez.