Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/423

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Et ces choses passerent si avant, que je commençay d’en ouyr quelque bruict, et cela par l’artifice de Leriane qui, par le moyen de Tersandre, le faisoit dire en lieu d’où je le pouvois sçavoir. Et afin que j’eusse moins de soupçon que ce fust une tromperie, jamais Tersandre n’en parloit, mais il le faisoit dire par ses amis. Et toutesfois je ne pouvois croire que Damon aymast mieux ceste sotte fille que moy, puis que sa beauté, ce me sembloit, n’esgaloit point celle de mon visage, ainsi que mon miroir in’asseuroit, sur lequel la voyant je jettois bien souvent les yeux pour en faire comparaison. De plus, quand je me ressouvenois de ce que j’estois, et qu’Ormanthe estoit, je ne pouvois m’imaginer qu’il fist choix, en me desdaignant, d’une personne qui estoit si peu de chose au prix de moy. Ce que ceste malicieuse recognoissant bien, voulut me tromper avec un plus grand artifice. Il y avoit une vieille femme qui estoit tante de Leriane, qui avoit toute sa vie vescu avec beaucoup d’honneur et de reputation. Leriane fit en sorte par la voye de Tersandre que ceste bonne vieille fust avertie des caresses que Ormanthe faisoit à Damon, qui estoient telles que, quand elle les sceut, elle n’eust repos qu’elle n’en vint avertir Leriane ; et elle qui sçavoit sa venue, se trouva expressément dans ma chambre, afin que je visse quand elle luy en parleroit. Leurs discours furent longs, et